Prendre 4 dés à 6 faces (ici ce seront des dés numériques, mais l’expérience n’en sera que plus plaisante en restant dans le réel avec de véritables cubes). Les tirer successivement et noter la séquence de quatre chiffres ainsi formée.
Répéter ce protocole chaque jour.
Question : Serons-nous sortis de la chambre 24 du Service des Maladies Infectieuses et Tropicales avant qu’une des séquences obtenues puisse être retrouvée parmi les 1000 premières décimales de Pi ?
Protocole appliqué pour savoir si la séquence issue des lancers de dés peut être retrouvée parmi les décimales de Pi : utilisation de la fonction Rechercher sur un fichier contenant les 1000 premières décimales en y entrant la séquence du jour.
Si l’on souhaite rester rustique, on peut bien sûr pointer à la main le premier chiffre valide sur sa feuille des décimales, regardez si le second correspond à la séquence, puis le troisième… Et passer au premier chiffre suivant si ce n’est pas le cas.
La question posée n’est pas assimilable à un problème mathématique : il y a trop de biais caillouteux et d’inconnues brumeuses pour y faire moissonner une machine probabiliste (en tout cas pour un individu équipé dans le domaine de valises à peine plus lourdes que celles avec lesquelles on sort du lycée).
Il n’y a pas de 0 sur nos dés et les décimales de Pi en comptent ; la fréquence d’apparition des chiffres dans les décimales n’est pas uniforme (il n’y a, par exemple, pas de 9 dans les 100 premières) ; il faut être capable d’obtenir l’ensemble des séquences de 4 chiffres à partir des 1000 décimales pour réaliser des calculs ; mon jour de sortie de l’hôpital est impossible à estimer finement, trop d’évènements imprévus peuvent arriver etc. Mais ce chaos me plait. Il est enfermé dans des règles strictes et, depuis le calme de ma chambre, le regarder tourbillonner dans sa boite m’apaise.
J’ai monté ce petit jouet pour pouvoir avoir quelque chose de plus excitant à attendre qu’une croix dans un agenda pour marquer le temps qui passe. Qui va gagner ? Les dés ? Pi ? Ce trompe-l’ennui est utilisable dans beaucoup de situations d’attente mais pour que la mayonnaise prenne, il faut trouver à la louche (expérimentalement, avec quelques essais à blanc ; cf. plus haut sur mes compétences mathématiques) quel couple [nombre de lancers] / [nombre de décimales de Pi] serait susceptible de correspondre vaguement – après application du protocole – à une date (ou une heure si l’on décide d’enchainer les lancers de dés sur les revues de la salle d’attente du médecin) de fin d’attente (je sais, par exemple, que je ne resterais pas 100 jours dans la chambre 24, ni 2).
Pour les temps d’attente plus long, on peut ajouter une étape :
Combien de jours cela prend-il pour qu’une des séquences obtenues par les lancers de dés puisse être retrouvée parmi les 1000 premières décimales de Pi ? Noter le chiffre correspondant à ce nombre de jours.
Reprendre les lancers de dés quotidiens jusqu’à pouvoir de nouveau noter le chiffre correspondant aux jours nécessaires pour retrouver une séquence dans les 1000 premières décimales de Pi. On obtient ainsi une nouvelle suite de chiffres.
Nouvelle question : Serons-nous sorti de la chambre 24 avant que cette dernière suite de chiffres puisse être une séquence retrouvable dans les décimales de Pi ?
Et ci-dessous, les résultats de ma propre expérience (débutée sur la fin de mon hospitalisation) :
jour
j291222
v301222
s311222
d010123
l020123
séquence obtenue
2241
4613
3266
4253
4265
résultat
négatif
négatif
positif
négatif
négatif => jour de sortie
De la chance au tirage n’a fait durer le jeu que trois jours. Victoire des dés donc. C’est ce que j’espérais. J’ai toutefois continué de reporter mes résultats jusqu’au jour de ma sortie (arrivée, ô joie, bien avant mes estimations) afin de recueillir des informations pour de futures parties.
Toujours est-il que ce dispositif a rempli son office en m’occupant l’esprit quelques heures pour sa conception et en m’apportant chaque jour un doux sentiment de satisfaction.